jeudi 16 juin 2011

Les Milles et Unes Nuits (ou presque) que j'ai passé dans les trains indiens:



Bon évidemment, le compte actuel et réel n'est pas 1001, mais on va faire tout comme. Il n’y avait pas d'histoires magiques avec une vingtaine de nuits. Et puis ce n'est pas pour dire, mais une nuit dans un train indien, pour tout ce qu'elle apporte en émotions, rencontres, poussière et fatigue en vaut bien 1001 dans le RER parisien ou le TER entre Castres et Aurillac!
Dans ce qui suit, on va revivre une de ces nuits là ensemble!


Tout commence par la gare bien sur.

En fait non, pour aller à la gare, il faut d'abord avoir des tickets de trains! Et pour obtenir ces tickets, il y a deux méthodes: La première consiste à s'inscrire sur le site web de la compagnie nationale des chemins de fers indiens. Je ne le répète jamais assez, mais il y a beaucoup de monde en Inde, donc tout apparaît en proportions gigantesques dès lors que l'on regarde les chiffres. Le site web des réservations de trains enregistre plusieurs dizaines de millions de transactions chaque jour. Du coup, pour accéder au serveur archi saturé, il faut s'armer (encore plus que de coutume) de patience! Une autre solution pour réserver est aussi d'aller directement le faire à la gare, mais là quand on dispose d'un accès internet il faut être maso pour vouloir aller réserver à la gare. Là bas, foule ne fait pas la queue et chacun essaye d'accéder au seul guichet ouvert en hurlant, en montrant des liasses de roupies et tout le monde pousse tout le monde. D’ailleurs le guichetier hurle lui aussi, fait voler des papiers dans tous les sens et ne redevient calme que pour boire son thé ! Il y a plus d'organisation dans une mêlée de championnat de rugby huitième division que autour de ce guichet!

Bon admettons, vous avez réussi à vous connecter au site web, vous avez trouvé Le train qui vous emmène là ou vous voulez, avec des horaires d'arrivée qui ne tombent pas au milieu de la nuit quand plus personne n'est dehors. Et bien avant de payer le ticket, il faut encore comprendre le système des classes dans les trains. Bien sur, on pourrait se dire que la classe la moins chère est la plus pourrie, ce qui est bien vrai soit dit en passant. Mais des fois, une classe au dessus ne garanti pas non plus une amélioration des standards. Après tout, puisque je prends en majorité des trains de nuits, tant que j'ai une couchette, je peux dormir ou pas! Bref, l’histoire des classes c’est une sacrée histoire, et un compromis pas toujours facile à choisir. Du coup pour faire vite, dans l'ordre croissant des classes (de la plus pourrie, à la un peu moins pourrie) cela va de Sleeper Class, puis 3AC, 2AC, 1AC.

Bon admettons, vous avez choisi le bon ticket, le bon jour, la bonne destination, les bons horaires, et tout semble parfait pour un week-end bien mérité! Dans mon cas, comme je viens de Panipat qui est entre 1h30 et 4h de bus de Delhi, je peux rajouter un petit suspense du genre "Vais-je rater mon train à cause de cette traversée du passage à niveau?" Et bien ce n'est pas parce que  toutes ces conditions sont réunies que vous aurez le droit de monter dans le train! Votre billet à un statut qui lui est propre et qui peut évoluer! Si il est confirmé, pas de panique, votre présence dans le train est tout à fait légale, vous avez un numéro de couchette réservée, et vous pouvez commencer à négocier avec les squatteurs qui sévissent partout en Inde et donc dans le train aussi pour qu’ils vous rendent votre couchette.
Si vous avez un ticket en liste d'attente, il faut attendre que les places se libèrent pour espérer voir évoluer votre statut. Si vous avez de la chance, il y a 50 défections devant vous (comme les trains sont très longs cela ne représente qu'un petit pourcentage) et vous obtenez un ticket RAC. Invention complètement indienne, le RAC vous donne le droit de monter dans le train, mais pas de couchette prédéfinie. Un peu embêtant pour les trains de nuits qui durent plus de 12h en moyenne! En gros vous venez d’obtenir un statut de squatteur, mais en toute légalité! Cela doit faire de l'IRCTC la compagnie numéro un mondiale de l'overbooking. Mais ce n’est pas forcement facile à vivre dans le train !
C'est dommage d'apprendre que vous avez réussi à passer à temps le passage à niveau pour finalement ne pas monter dans le train, ou pire, montrer et ne pas avoir de couchette!
Mais c'est comme ça en Inde! Admettons donc que vous avez un ticket vous autorisant à monter dans le train, vous pouvez donc rejoindre la gare. En métro si vous n'êtes pas claustrophobe ou agoraphobe, en touk-touk si vous aimez le Space Mountain et les rollers-coasters et les sensations fortes.

Bienvenue à la gare !
La gare indienne est un très bon condensé de la vie ici. Les gens très riches croisent ou évitent les gens très pauvres, le personnel de la gare est un peu désorienté et toujours dépassé, des mecs se baladent en essayant de vendre un peu de tout et beaucoup de n'importe quoi, des gens mendient, d'autres veulent vous cirer les tongs, il y a des enfants partout, des gens qui dorment dans toutes les positions les plus inconfortables possibles (et surtout en plein milieu de la foule, allongé par terre, pas de soucis), un touriste coréen ou chinois est complètement perdu au milieu de tout ça.
Des porteurs sont plus chargés qu'un trolley d'aéroport, des singes essayent de voler la bouffe des gens qui ne dorment pas ou ne font pas la queue pour réserver un ticket. Et des vaches se baladent, soit sur les quais, soit sur les rails sans que cela ne choque personne d'autre que moi (le touriste coréen est trop occupé à déchiffrer les inscriptions en hindi et à les traduire dans son dictionnaire de poche. D'ailleurs, pourquoi il ne demande pas à quelqu'un plutôt ce con?!). Comme partout ailleurs dans le pays, mais plus encore dans les gares, tout est très sale, plein de détritus partout et les odeurs sont très présentes en force elles aussi et là, il ne s’agit pas d’épices.
Si par chance vous avez un peu d'avance et de temps à perdre avant votre train, vous pouvez aller faire un tour dans les retirement room. Comme leur nom l’indique, ce sont de grands espaces ou on peut se reposer, éventuellement faire un brin de toilette avant le départ du train. Vous entrez donc dans la pièce, un premier regard vous informe qu’il y a beaucoup de  monde, vos oreilles se mettent à siffler tellement d’enfants crient, courent et hurlent partout. Le deuxième regard s’interroge sur le fait que les tables, chaises et fauteuils ont été poussés dans un coin pour permettre aux familles d’étendre leurs grands draps et couvertures afin de faire la sieste ou prendre le thé. Et puis tout d’un coup vous vous rendez compte que toutes les conversations se sont arrêtées, et que tous les regards se dirigent vers la porte d’entrée. Devant les yeux interloqués de toutes ces personnes qui vous font face vous vous retournez très lentement, il semblerait que quelque chose de vraiment inhabituel, voire de vraiment surnaturel vient de se produire. Tel un ralenti bollywoodien vous achevez le demi tour sur vous-même pour vous retrouver face à… rien du tout. En fait c’est vous-même que tout le monde regardait, et aussi étrange que cela puisse paraître, dans beaucoup d’endroits en Inde, la vue d’un étranger provoque des réactions très surprenantes. Entre timidité, fierté, incompréhension… En tout cas cela ne laisse pas indifférent, alors quand l’un d’entre eux débarque dans un endroit aussi indien que la retirement room, cela choque !
Mise à part pour cette impression de popularité extrême, il vaut mieux ne pas s’attarder dans la retirement room. C’est très sale, très bruyant et oubliez le brin de toilette car les parties communes mériteraient un très gros lavage avant que vous puissiez y faire le votre.
Dans les plus grandes gares il existe une solution de repli qui est la cafétéria de la gare. Un univers bruyant, surpeuplé ou désert suivant les heures (pas de demie mesure ici), mais au moins il y a un semblant de clim et des fois on peut même trouver des glaces pour faire tomber un peu la température intérieure.

Bon, assez attendu désormais, il est temps de monter dans le train!
                Donc on regarde son ticket, dessus il y a le numéro du wagon, et même le numéro de la couchette! Fantastique! Il arrive cependant des fois que le numéro ne soit pas disponible lors de la confirmation du ticket. La brillante administration des gare indienne a donc décidé pour renseigner le demi millier de passagers du train d'afficher les wagons et numéros de couchette de chacun sur des grandes listes en papier à réglette. Et d'accrocher tout ça sur un petit panneau un liège, planqué quelque part dans la gare. Comme on est en Inde, personne n'est vraiment discipliné pour regarder sur les listes, donc en moins de deux minutes les morceaux de papiers volent littéralement dans tous les sens, et il vaut mieux être sur de son coup. Bien sur, il ne faut pas chercher la logique dans l'ordre de rangement des wagons, et les numéros sont placés de manière plus aléatoire que sur un rubik's cube. Il m'est arrivé plusieurs fois de parcourir les 500m de longueur du train et de devoir rebrousser chemin parce que ce con de wagon est à l'autre bout du train! Pour plus de sécurité, les listes correspondantes aux wagons sont également collées devant la porte d'entrée de ceux-ci. Je me suis toujours demandé comment font les passagers qui montent dans le train à la gare suivante. Les pauvres feuilles en papier ne résistent pas vraiment au trajet.

                Tac-tac, voici enfin mon wagon! Je monte dedans, esquive les gens qui circulent partout et me dirige vers la bonne banquette. J'ai la chance de n'avoir qu'un tout petit sac pour voyager lors de mes week-ends, ce qui me permet de toujours trouver de la place pour le ranger. Les familles indiennes donnent l'impression d'emmener la totalité de leurs armoires et se retrouvent avec des colis, sacs et gros paquets qui ont bien du mal à passer dans les portes, et c'est encore pire pour trouver de la place dans les compartiments!
Allez, tout le monde s'emballe, courre partout, les familles commence à se dire au revoir (les au revoir indiens sont très longs), les coolies chargent les derniers bagages énormes, les squatteurs choisissent un wagon cible et c'est parti!
La suite dans le prochain billet!

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