lundi 27 juin 2011

A nous de vous faire préférer le train indien...

 Suite des milles et une nuits ici :

C'est parti, mais pour une raison inconnue, au bout d'environ quatorze mètres, le train s'arrête de nouveau. Cela fait la joie des retardataires qui traversent les voies n'importe comment et se battent pour monter dans le train. Mais pour ceux qui sont dans le train, c'est le début d'un suspense qui peut se révéler long. Comme le train ne roule pas, la clim ne fonctionne pas dans les wagons équipés, et il fait également plus chaud dans les autres wagons car le train ne roule pas. Les enfants s'impatientent, et les indiens n'aimant pas rester inactifs décident de faire les 400 pas dans le minuscule couloir du wagon qui du coup se transforme en file d'attente un matin d'ouverture des soldes. Comme personne ne sait pourquoi le train est arrêté, et surtout pour combien de temps, peu de monde ose sortir de peur de rater le train. Comme le train démarre très lentement, dans un autre pays que l'Inde, je n'hésiterais pas à marcher un peu dehors, et à aller chercher à boire près des fontaines d'eau potable qui fournissent une eau étonnamment fraîche quand il fait 45 degrés dehors. Mais comme on est en Inde, le temps que tous les passagers dehors remontent dans le train lorsque celui-ci démarre est très important. Déjà parce que les wagons ont une grande capacité de passagers (encore plus avec les squatteurs!) et juste deux toutes petites portes, mais aussi parce que dès que le train va redémarrer, tout le monde va se précipiter pour rentrer dans le wagon, comme si le rideau de la FNAC des Champs-Elysées venait de s'ouvrir à minuit pile pour le dernier Harry Potter! Du coup je joue la sécurité, transpire deux litres d’eau de plus et je prends mon mal en patience, mais à force on s'habitue!

   Une fois que le train a redémarré, un étrange ballet se met en place. En plus des retardataires bloqués avec leur valise trop grosse, en plus des squatteurs qui cherchent un bout de banquette ou s'asseoir, en plus des gamins qui courent partout, voici les vendeurs, colporteurs et hommes distributeurs de boissons. Pour ceux qui ont faim en voici qui arrivent avec des cartons pleins de crème glacées (plus crèmes que glacées d'ailleurs), d'autres avancent avec des grands seaux pleins d'un mélange pois chiches, piment rouge et poivrons verts qui à l'air très explosif. Des omelettes, samossas, et sandwich maison au fromage maison sont disponibles. Il y a aussi le marchand de chips et cacahouètes qui piquent très fort.
Pour ceux qui ont soif, le traditionnel Tchaï est disponible bien sur, et des porteurs d'eau, de sodas frais ou de jus de mangues. Ensuite, il y a les vendeurs de chaînes et cadenas pour attacher les valises, les vendeurs de cartes à jouer, les vendeurs de revues d'il y a deux trois mois, les vendeurs de porte-clefs, de bracelets et de pendentifs très kitch. Bref, vous l'aurez compris, il y a beaucoup de vendeurs! Egalement parmi le défilé, des gamins ou des paraplégiques qui avec un papier journal nettoient le sol avec un vieux chiffon ou un papier journal et mendient. Il y a aussi d'autres profils de mendiants tels que la mère avec son bébé de deux jours dans les bras, ou le sadhu, un homme sage et saint avec une grande barbe et juste un morceau de tissu et un bâton pour seuls biens matériels. Parce que c'est ça aussi l'Inde.



Une fois que le défilé c'est un peu calmé, il est temps de faire connaissance avec ceux qui vont partager mon trajet pendant de longues heures. Qu'ils soient en famille, voyageant seul ou en groupe, ces compagnons de voyages portent d'abord sur moi ce même regard, mélange de curiosité débordante et de timidité. Un peu comme dans la salle d'attente quelques minutes plus tôt.
Allez hop, comme toujours, je lance un petit "ou allez vous?" Il faut parfois répéter plusieurs fois, mais le fait de parler a un effet étonnamment attirant et tout de suite, l’ensemble du compartiment, plus ceux qui défilent me fixent et dans le lot il y en a au moins un qui comprend ce que je demande. Dès qu’ils s’aperçoivent que je sais parler, que je parle anglais, et que je peux les comprendre alors c’est l’avalanche de questions. Voici les réponses, dans l’ordre : « Oui, je suis français ; Non je ne suis pas marié ; oui c’est vrai après tout j’ai 22ans donc j’ai encore un peu de temps (mais pas trop non plus) ; Et non pas d’enfants non plus (ce qui rassure tout le monde) ; Mon prénom, c’est Frédéric, non pas Patrick, non pas Fédrickkk, bon aujourd’hui tu peux m'appeler Jack d'accord? (Il va falloir que je me souviennes comment je leur ai dis que je m’appelais maintenant !) Oui c’est ma première fois (en Inde) ; Oui j’aime bien l’Inde ; Alors j’ai un frère et une sœur, et un papa et une maman ».
Et ainsi de suite… Au cours de la discussion, généralement je vais sortir plusieurs fois des mots en Hindi très courants et très populaires, que j’utilise tous les jours au bureau. Et là du coup c’est comme si je venais de leur dire que en fait j’étais un enfant caché de Hanuman (un dieu très populaire). "You know Hindi ?" "Nahi, nahi, tora tora hindi " "Non, non je ne connais qu’un tout petit peu d’hindi ". Si les yeux pouvaient faire trois fois le tour de la comète Armageddon et revenir dans le orbites ils l’auraient fait! Et hop, nouvelle avalanche de questions : « J’ai appris l’hindi en Inde; je vis en Inde; je travaille en Inde;  A Panipat, Haryana; Je suis ingénieur »…
Je suis devenu en environ 15 minutes le pote de tout le compartiment ou presque. D’ailleurs la notion d’amitié est drôlement différente dans ce pays. Tout le monde veut une photo de moi sur son téléphone. Et au moins la moitié d’entre eux possèdent désormais mon numéro de téléphone local. D’où théorème : Chaque voyage en train apporte son lot de spams!
En revanche toutes ces discussions permettent de faire passer un peu le temps. Elles ont un autre intérêt caché, trouver quelqu'un qui s’arrête à la même station que moi, ou qui ne dormira pas au moment où il faudra que je descende du train. Vous verrez un peu plus loin, que là aussi c’est une aventure!
Comme tout ceci m’a épuisé, je décide de me reposer un peu. Pour cela il y a des solution, le siège fort peu confortable crée par la couchette inférieur et celle du milieu qui est abaissée en journée, ou alors monter dans la couchette supérieure  pour s’allonger.
Je vous ai présenté les choix cornéliens à faire pour avoir un ticket de train, mais je ne vous ai pas parlé du choix des couchettes! C’est pourtant l’une des décisions qui va influencer le ressenti du week-end de manière très prépondérante. Les exemples qui vont suivre le démontre. 
Il y a différents types de couchettes, pour un total de 6 par compartiments, et deux dans le couloir juste en face. En fait le couloir fait 40 cm de large mais je n’ai pas trouvé d’autre mot pour désigner un tout petit couloir très encombré. Et puis le compartiment c’est un bien grand mot puisque rien n’est fermé. C’est plutôt une grande cage à lapin, enfin une cage à poulet puisque qu’on est en Inde! J’ai mis un peu de temps avant de trouver l’emplacement idéal de la couchette qu’il me fallait. Et mes premiers tâtonnements ont été calamiteux! La première fois je me suis retrouvé avec une couchette dans le couloir, la couchette inférieure qui plus est. Le pire c’est que je l’avais choisi de mon plein grès en me disant que je pourrais profiter de la vue par la fenêtre (en train de nuit, cherchez l’erreur…). Je commençais à angoisser quand le petit vieux monsieur qui devait occuper la couchette du haut m’a proposé d’inverser pour pas qu’il ne risque son col du fémur à escalader les couchettes. Du coup je suis passé en haut, et cette première expérience c’est finalement bien conclue. Au retour deux jours après en revanche c’est une autre histoire. Comme j’avais réservé les deux tickets en même temps, je me retrouve encore avec une couchette inférieure dans le couloir, à coté de la porte du wagon qui plus est. Donc à coté du premier point d’accès des squatteurs! Et là j’ai pas réussi à changer d’étage. En plus il a commencé à faire très chaud, et comme on est en Inde, des camions à benne de poussières se sont déversés sur le train. Je m’allonge donc sur la couchette, pour me rendre compte qu'il manque environ 40 cm de longueur pour que je puisse m’étendre de tout mon long. Sur un trajet de 12h, c’est long et c’est emmerdant quand même. J’essaye tant bien que mal de m’endormir, je vide la batterie de mon téléphone et écoutant de la musique pour contrer les sons en provenance du wagon (peine perdue), je ferme les yeux très forts pour ne pas être dérangé par le stroboscope qui de temps en temps sert de lumière pour le wagon (deuxième peine perdue). Finalement après de nombreuses heures de somnolences, je m’endors, pour être réveillé par un mec qui a repéré environ 28 cm² de surface non utilisés en bord de ma couchette pour essayer de s’asseoir. Comme c’est dur de trouver une position confortable je ne peux plus bouger comme je veux, et suis coincé. Finalement, il a dû trouver une surface un peu plus grande, et une victime un peu moins encombrante, ou plus endormie parce qu’au bout de deux heures il est parti. Merci pour ces deux heures de non sommeil gratuites quand même! 


Bref, cette mauvaise expérience m’a au moins servi de leçon, et je sais que désormais je ne veux plus que des couchettes supérieures, et dans le compartiment! Comme elles sont bien hautes, les gens ne montent pas dedans pour squatter, comme le compartiment n’est fermé, mes pieds peuvent dépasser dans le couloir en toute liberté (enfin je risque quand même de me faire réveiller à chaque fois qu’un mec passe avec sa bouilloire de tchai ou ses valises sur la tête, mais je prend le risque). L’autre énorme avantage, c’est que la couchette supérieure est toujours accessible donc je peux y passer le temps que j’y veux et je ne suis pas dépendant de mes voisins de cellule. En effet, en position journée, la couchette du milieu est relevée, ce qui permet à tout le compartiments, et plus si affinités de se servir de la couchette du bas comme siège. Donc quand on a une de ces deux couchettes, il faut s’entendre sur les horaires lorsqu’on veut plier ou déplier les couchettes pour dormir. Et comme les indiens dînent et donc se couchent tard, et qu’ils se lèvent très tôt…
La couchette de haut représente donc un îlot de tranquillité dans ce monde de bruits et de poussières. Mais, cela est trop beau pour être vrai, il y a bien entendu des inconvénients à être perché la haut : Le principal est que la couchette est tellement haute dans le wagon qu'elle est située au dessus des hélicoptères qui servent de ventilateurs (ou l'inverse, je ne suis pas trop sur). Donc, pas de ventilateur, une chaleur un peu plus étouffante qu'ailleurs dans le wagon, parce qu'on est situé tout près du toit qui chauffe à mort. Pas vraiment d'air frais non plus qui entre car les fenêtres sont situées tout en bas du wagon. Il faut s'habituer et apprendre à ne pas s'inquiéter quand on transpire 8 litres d'eau par tranche de 12h. D'ailleurs, ceci nous conduit tout droit vers le deuxième inconvénient majeur : D'en haut, on ne sait absolument pas ou est le train, impossible de voir par la fenêtre le non de la gare écrit en hindi, des fois en anglais. Donc il faut être sur de soi.
Pour éviter de se retrouver 300km plus loin que prévu, le mieux c'est de choisir un train dont le terminus est la ou l'on veut aller. Dans ce cas là, si je reste endormi, il y a un employé de la compagnie de train qui viendra me réveiller. Si en revanche mon arrêt n'est pas le terminus, il faut essayer de ruser. Soit en discutant avec les voisins de couchette avant de s'endormir pour en trouver un capable de me réveiller au bon arrêt. Sinon, il faut connaitre l'heure d'arrivée supposée dans la gare en question. Le problème, c'est que les trains indiens ne sont pas toujours ponctuels. Et que se réveiller à 4h du matin, pour se rendre compte que le train à deux heures de retard ce n'est pas cool. Surtout que ce n'est pas parce que le train part d'une gare avec deux heures de retard qu'il arrivera avec le même retard à la suivante. J'ai déjà vu un train refaire tout son retard de deux heures. Dur de savoir quand se réveiller à se moment là.

Bon admettons, vous voilà arrivé dans la gare de destination ! Ce n'est pas pour autant qu'il faut vous accorder un moment de répit, il faudra souffler un peu plus tard. En effet, pour le moment, une foule assez conséquente de personne se dirige vers vous en hurlant taxi, rickshaw, good guest house, good taxi, cheap rickshaw, where you go? et ainsi de suite... Surtout ne pas s'arrêter de marcher vers ce qui semble être la sortie de la gare. Au bout d'un moment, une petite partie d'entre eux a  lâché l'affaire pour se diriger vers le touriste  coréen ou chinois qui arrive lui aussi. C'est le bon moment pour dire que je vais me rendre à cet endroit là. (En hindi s'il vous plait!). La règle numéro un est de ne jamais donner de nom de guest house ou d'hôtel, mais plutôt de donne le nom d'un monument proche. Cela évite de tomber sur l'une des huit guesthouse de la ville qui porte le même nom que celle référencée dans le guide, mais dans celle ci le chauffeur touchera une commission. Une fois qu'ils savent tous ou je veux aller, et qu'il me propose des prix pour lesquels je pourrais me payer une suite dans un palais de maharaja il faut négocier et faire tomber les prix. Là aussi, savoir compter en hindi aide à accélérer les choses pour arriver à des prestations tout à fait honnêtes.
Une fois arrivé dans le bon quartier, la visite des guesthouse commence. Qu'il soit 5h du matin ou midi, pas de soucis pour prendre une chambre, et ça, c'est plutôt formidable. En une fois encore, il va falloir repérer les petits défauts de la chambre, bluffer un peu, discuter encore et finalement tomber d'accord sur un prix qui me plait. Une fois que c'est fait, une bonne petite douche, et le week-end peut vraiment commencer!

Oui mais quand le week-end est fini? Le même cirque en sens inverse, auquel vient s'ajouter le petit suspense du lundi matin : Vais arriver suffisamment de bonne heure à la gare de Delhi pour pouvoir traverser toute la ville au petit jour avec un chauffeur de rickshaw pas bien plus réveillé que moi, puis trouver un bus qui parte dans un délai raisonnable, et mette moins de deux heures pour rallier Panipat et arriver avant que le covoiturage de l'entreprise ne passe me chercher. Et oui, cela en fait un gros suspense pour commencer la semaine!
Autant dire que le Lundi soir je dors bien en général!

2 commentaires:

  1. J'adore! Un pti clin d'oeuil à la couchette du haut... j'en suis arrivé à la même conclusion ;) BIZ

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  2. Quand je pense que chez nous on se plaint de la SNCF...
    Bon courage pour le prochain voyage.

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